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Près d'un cinquième de la ville de Sanaa est occupé par des jardins ; pourtant le visiteur traverse fréquemment la ville sans en apercevoir aucun. Ces parcelles de campagne en pleine ville sont en effet le plus souvent encloses de maisons qui, resserrées sur la ruelle d'un côté, et s'ouvrent largement de l'autre sur ces oasis verdoyantes.
Ces jardins sont des biens waqfs, c'est-à-dire des propriétés inaliénables, de main morte, dont l'usufruit est légué afin d'entretenir la mosquée voisine à laquelle ils sont rattachés, ou une fondation de bienfaisance. Selon la tradition, léguer à la postérité le revenu d'un bien constitue une action plus méritoire que de distribuer immédiatement le produit de sa vente. Le Prophète a conseillé à l'un de ses compagnons, le fidèle Abu Bakr qui s'apprêtait à vendre une terre et distribuer l'argent aux pauvres de la communauté, de conserver cette terre de façon à pouvoir chaque année en offrir les produits des récoltes.
Ainsi, ces jardins ne peuvent en aucun cas être vendus ou construits, et constituent des espaces préservés. Modèle remarquable d'écologie appliquée, l'eau puisée dans le jardin servait tout d'abord à approvisionner la mosquée voisine, puis était récupérée au sortir des bassins d'ablutions pour irriguer les cultures potagères : plantes alliacées, oignons, radis blancs... De plus, les cendres issues de la combustion des excréments pour chauffer l'eau des hammams étaient collectées et épandues en guise d'engrais. Ces jardins maraîchers sont désignés le plus souvent par le terme migsameh faisant référence à la gusmah, radis blanc cultivé dans ces potagers, à moins qu'ils ne soient dénommés bustan dans le cas d'un verger tel que le fut jadis le bustan al-Tawus.
Depuis la rue, une seule porte donne accès au jardin et elle est dans la pratique réservée aux seuls maraîchers. Quelques maisons ont parfois une petit porte aménagée dans le mur de leur enclos privatif mais l'usage en reste exceptionnel. Ainsi, toutes les maisons qui bordent le jardin n'en ont qu'une jouissance purement visuelle. Cette spécificité est riche de conséquences architecturales et urbaines. La maison n'a d'accès que depuis la rue, tandis que les fenêtres privilégiées s'ouvrent sur le jardin.
Les relations préférentielles de voisinage s'exercent par l'entremise de la rue, et non pas par le jardin dont les maisons limitrophes appartiennent souvent à des quartiers différents. Le jardin urbain de Sanaa a ainsi l'originalité d'être en quelque sorte un centre vide autour duquel les maisons sont édifiées, une enceinte creuse.MAITRISE D'OUVRAGE: